Le Petit Prince (Antoine de Saint-Exupéry)

Antoine de Saint-Exupéry Le Petit Prince

LITTERATURE


« Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent.) »

Calendrier de l'Avent 17 décembre

Cet article est la dix-septième fenêtre de mon calendrier de l’Avent littéraire. Chaque jour du 1er au 25 décembre 2021, je partage avec vous un livre qui m’est cher: je vous en lis un de mes passages préférés et vous raconte en quelques mots l’histoire de ce livre et mon histoire avec lui.

L’amitié était au coeur des récits des deux derniers jours, L’ami retrouvé et La lettre de Conrad de Fred Uhlman. Et quand il s’agit d’amitié, il est un livre qui est incontournable.

Un extrait de la célèbre rencontre du Petit prince et du renard.

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Gallimard 1999, p. 57.

Le Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry.

Peut-être devrais-je simplement en rester là.

Peut-être est-il inutile d’en dire plus. Car est-il possible de ne pas connaître ce livre ? De n’y avoir jamais été confronté ? Difficile à imaginer. D’après Le Figaro, ce serait le deuxième livre le plus traduit au monde, après la Bible.

Peut-être inutile d’en parler donc, mais aussi périlleux. Comme la Bible, Le Petit Prince a l’aura des textes sacrés. A la fois d’une simplicité désarmante et d’une profondeur infinie. Balbutier une interprétation ne serait que tenter de le réduire, l’enfermer. Tentative vaine d’ailleurs, car le petit prince se déroberait sans peine, mais qui le ferait sans doute bien rire. De ce rire que l’aviateur aime tant et que le petit prince lui offrira en cadeau.

Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’une d’elle, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire!

Le Petit Prince n’est pas un livre qu’on explique. C’est un livre qu’il faut lire. Et relire. Et relire encore. Et à chaque fois, pénétrer un peu plus son mystère, en cueillir de nouveaux fruits, en découvrir de nouveau trésors. Il faut bien moins de temps pour lire ce petit livre que pour se le faire expliquer. Mais ne faut-il pas une vie pour le comprendre ?

J’avais dix ans lorsque j’ai découvert Le Petit Prince. A l’école primaire, notre instituteur nous fait lire la rencontre du petit prince et de l’aviateur dans le désert. Le passage du fameux « dessine-moi un mouton« . Je n’ai pas de souvenirs très précis de cette première lecture. Je me souviens seulement qu’elle m’avait, d’une certaine manière, beaucoup impressionné. Je garde aussi en mémoire l’expression « à mille milles de toute terre habitée« , qui revient plusieurs fois dans le texte et que je ne comprenais pas bien. Pourquoi l’auteur disait-il deux fois le mot « mille », me demandais-je ? Notre instituteur avait dû omettre de nous expliquer que le mot désignait aussi une unité de mesure. Cette apparente répétition semblait pour moi renforcer la distance entre le monde du petit prince et le nôtre.

C’est tellement petit, chez moi !

Je relis le livre à l’adolescence. Cette fois, je le lis en entier, mais à nouveau, c’est un passage en particulier qui retient mon attention: celui de la rencontre que fait le petit prince avec le renard (dont est d’ailleurs issu l’extrait que je vous lis). Celui des leçons que le renard donne au petit prince sur la signification de l’amitié et la nécessité d’apprivoiser. Celui des célèbres « l’essentiel est invisible pour les eux« , et « c’est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante« , et encore « tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé« . Je suis bouleversé par la beauté de ce texte. Je me le lis à répétition, comme il m’arrive d’écouter en boucle une musique que je viens d’entendre à la radio et que je ne peux plus à me sortir de la tête. Comme un ver d’oreille littéraire.

Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique.

Adulte, je relis plusieurs fois le livre. A présent, je remarque de plus en plus le personnage de l’aviateur, que j’avais jusqu’ici vu sans vraiment voir. Qui ne m’intéressait pas particulièrement. C’est sans doute un effet de l’âge. Sans doute que je suis maintenant plus proche de l’aviateur que du petit prince. Serais-je devenu une « grande personne » moi aussi ?

Mon ami ne donnait jamais d’explications. Il me croyait peut-être semblable à lui. Mais moi, malheureusement, je ne sais pas voir les moutons à travers les caisses. Je suis peut-être un peu comme les grandes personnes. J’ai dû vieillir.

Je découvre des scènes dont je n’avais aucun souvenir. Par exemple, celle où l’aviateur, assoiffé, porte dans ses bras le petit prince endormi, à la recherche d’un puits dans le désert. Je pense: on dirait que l’aviateur est en train de tenir sa propre enfance dans les mains. On dirait que c’est lui-même enfant qu’il voit dans le petit prince.

J’étais ému. Il me semblait porter un trésor fragile. Il me semblait même qu’il n’y eût rien de plus fragile sur la Terre.

Dans ce duo avançant dans la nuit du désert, je vois ainsi apparaître une nouvelle rencontre : celle avec soi-même, à travers le temps. Comme dans Note à mon moi de sixième primaire. Avec toutefois une différence fondamentale: ici ce n’est pas l’adulte qui cherche à protéger l’enfant de ses erreurs. C’est l’enfant qui vient guider l’adulte dans ses errances et lui indiquer la direction à suivre. Comme une boussole du passé. Comme une Bible de vie.

– Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c’est qu’il cache un puits quelque part.

(…)
Et, marchant ainsi, je découvris le puits au lever du jour.

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