Chronique d’hiver (Paul Auster)

Paul Auster Chronique d'hiver

LITTERATURE


« Tu crois que ça ne t’arrivera jamais, que ça ne peut pas t’arriver, que tu es la seule personne au monde à qui aucune de ces choses n’arrivera jamais. »

Calendrier de l'Avent 1er décembre

Cet article est la première fenêtre de mon calendrier de l’Avent littéraire. Chaque jour du 1er au 25 décembre 2021, je partage avec vous un livre qui m’est cher: je vous en lis un de mes passages préférés et vous raconte en quelques mots l’histoire de ce livre et mon histoire avec lui.

La première page du récit – celle à l’origine de mon coup de foudre pour ce livre !

Paul Auster, Chronique d’hiver, Actes Sud/Leméac 2013, p. 9. Traduction: Pierre Furlan.

En juillet 2013, je suis à l’aéroport de Zürich. En attendant le départ de mon vol pour Varsovie, je fais un tour dans une librairie, à la recherche d’un livre pour accompagner mon voyage. C’est là que je tombe sur Chronique d’hiver de Paul Auster. Je connais le nom de Paul Auster, dont j’avais étudié un texte en cours de français, à l’école secondaire. Mais c’est surtout le titre, Winter journal (dans sa version originale), qui me paraît prometteur. Il m’évoque le magnifique Winterreise de Schubert. Je lis la première page du livre et c’est le coup de foudre. Je l’achète aussitôt et ne le lâche pas de tout le vol.

Arrivé à Varsovie, j’ai l’après-midi devant moi avant de rejoindre un ami le soir. Je me pose dans un restaurant japonais, et après avoir avalé en vitesse quelques sushis, je continue de dévorer le livre.

Paul Auster winter journal Varsovie
Mon coin de lecture: un restaurant de sushis de Varsovie.

Le livre me tient tant en haleine que je ne quitte pas le restaurant de tout l’après-midi. Cela n’a pas l’air de déranger la serveuse, qui vient même très gentiment à plusieurs reprises remettre de l’eau chaude dans ma théière.

Paul Auster a 65 ans lorsqu’il écrit Chronique d’hiver, et le titre du livre décrit la situation qu’il vit: constatant qu’il est entré dans l’hiver de sa vie, il décide que le moment est venu d’en dresser la chronique. Et en effet, il en a, des histoires à raconter ! Je reste assez admiratif devant cette vie riche, qui se dessine sous mes yeux, et l’intelligence de cet homme qui transpire de chaque phrase.

Mais la véritable force du récit, c’est sans doute la perspective tout à fait singulière que Paul Auster choisit pour dérouler son autobiographie: celle de son corps. C’est en effet en explorant sa mémoire sensorielle, ses cicatrices et ses plaisirs charnels, qu’il évoque les événements de son passé qui ont marqué son corps de leur empreinte. Il se sert de son corps comme d’une boussole du souvenir.

Le résultat ? Un moment d’intimité partagée avec moi, lecteur. Parce qu’il m’invite à entrer dans le secret de son corps et à entendre ses confidences les plus personnelles. Mais aussi parce qu’il prend comme point de départ à son récit ce que lui et moi avons nécessairement en commun: un corps. Ses sensations corporelles font écho aux miennes; ses souvenirs réveillent ma mémoire.

Autre singularité du récit: il est rédigé à la deuxième personne du singulier. Je crois que c’est la première fois que je lis un livre qui adopte cette forme. La musique de ce « tu » inlassablement répété renforce ce sentiment d’une conversation confidentielle, d’un dialogue intime. Entre Paul Auster et son corps, entre Paul Auster et moi, entre mon corps et moi.

Arrivé au bout de ma troisième théière de thé vert, je me résigne enfin à quitter mon restaurant de sushis varsovien. J’ai alors l’impression de sortir d’un palpitant premier rendez-vous en tête-à-tête. Avec une certitude: je compte bien le revoir, ce Paul Auster!

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