L’ami retrouvé (Fred Uhlman)
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LITTERATURE
« Il entra dans ma vie en février 1932 pour n’en jamais sortir. »
Car ce livre raconte l’histoire d’une d’amitié, comme d’autres racontent des histoires d’amour. Je trouve les premières presque plus intéressantes à lire que les secondes – elles sont d’ailleurs nombreuses dans ce calendrier de l’Avent. Peut-être parce qu’elles sont plus rares dans la littérature. Peut-être parce qu’elles ont moins tendance à suivre des scénarios convenus et prévisibles, l’amitié étant guidée par beaucoup moins de règles et rites sociaux. Elle est beaucoup plus libre. Il y a autant d’amitiés qu’il n’y a d’amis.
Dans ce livre, nos deux amis s’appellent Hans et Conrad. Hans est Juif, Conrad issu d’une noble famille allemande. Ils se rencontrent en février 1932, à Stuttgart. Ils se séparent en janvier 1933. Entre deux, ils vont vivre une amitié – courte, mais qui les marquera à jamais. Une amitié que Hans relate dans ce récit – court lui aussi et qui, lui aussi, m’a marqué à jamais.
Les quelques mois qui suivirent furent les plus heureux de ma vie.
Février 1932 à janvier 1933, d’un hiver à un autre. Une amitié sur quatre saisons. Les quatre saisons d’une amitié. La relation d’Hans et Conrad évolue au rythme de cette nature bavaroise, qui leur est si chère et qu’ils explorent ensemble. Printemps de l’espérance, été de la récolte, automne du trouble, hiver de la séparation.
Quand je sortis, la rue était aussi froide et vide qu’une plage un jour d’hiver. (…) Déjà les lumières qui m’avaient guidé allaient s’affaiblissant.
Tout ce monde meurt définitivement pour Hans au retour de l’hiver. Ses parents décident qu’il n’est plus en sécurité en Allemagne et l’envoient chez un cousin aux Etats-Unis pour qu’il y poursuive ses études, le temps que les choses se calment. Il y restera finalement pour toujours et ne remettra plus les pieds en Allemagne. Il ne reverra plus Conrad.
S’ensuivent des années dont Hans évoque la vacuité d’une plume froide, qui contraste avec le souffle lyrique et romantique qui a marqué son récit jusque-là. Il a tiré un trait sur l’Allemagne et son passé, dont le souvenir est trop douloureux. Il a fait de son mieux pour l’oublier.
Mes blessures ne sont pas cicatrisées, et chaque fois que l’Allemagne se rappelle à moi, c’est comme si on les frottait de sel.
Quant à ses rêves et à l’exaltation d’adolescent, qu’il a a partagés avec Conrad, ils ont fait place à la désillusion et à la résignation de l’adulte.
Je sais à quoi m’en tenir. Je n’ai jamais réalisé ce que je voulais vraiment: écrire un bon livre et un bon poème. (…) De sorte que, dans mon for intérieur, je me considère comme un raté. Non que cela importe vraiment.
Mais un beau jour, tout cela va être chamboulé. Trente ans après son départ d’Allemagne, celle-ci se manifeste à nouveau à lui, à travers une lettre adressée par son ancien collège de Stuttgart.
Une lettre qui va lui faire renouer avec son passé.
Une lettre qui va lui faire retrouver Conrad.
Une lettre qui va lui faire prendre la plume, pour faire le magnifique récit de cet Ami retrouvé.
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