Plus tard le même jour (Grace Paley)

Grace Paley Plus tard le même jour

LITTERATURE


« Souvent, je voudrais tant voir ma mère dans l’embrasure de la porte. »

Calendrier de l'Avent 3 décembre

Cet article est la troisième fenêtre de mon calendrier de l’Avent littéraire. Chaque jour du 1er au 25 décembre 2021, je partage avec vous un livre qui m’est cher: je vous en lis un de mes passages préférés et vous raconte en quelques mots l’histoire de ce livre et mon histoire avec lui.

Après Les Huit montagnes de Paolo Cognetti, où la figure du père occupe un rôle central, place aujourd’hui à un texte autour de la figure maternelle.

Le début – et presque la moitié de ce court texte.

Grace Paley, Plus tard le même jour, Rivages 1986, p. 91 s. Traduction: Claude Richard

Ma mère (Mother) n’est pas un roman, mais une nouvelle. Ecrite par Grace Paley, elle a été publiée en 1985 dans le recueil intitulé Plus tard le même jour (Later the same day en version originale).

C’est toutefois dans un autre ouvrage que j’ai découvert ce texte. Au collège, ma professeur d’anglais avait choisi de nous faire lire, comme première oeuvre de littérature anglophone, The Umbrella Man and Other Short Stories. A la lecture des nouvelles de ce recueil, il y en a deux qui me bouleversent. L’une d’elles est ce Mother de Grace Paley.

The umbrella man and other short stories
Le recueil de nouvelles où j’ai découvert « Ma mère » pour la première fois.

Cette nouvelle est une des plus brèves que j’ai jamais lue – elle remplit à peine deux pages. Deux pages seulement, mais qui parviennent à dire tellement de choses. Aussi, surtout, il y a tout ce que Grace Paley ne dit pas mais qui transparaît de ses silences, de ses ruptures, de ses ellipses, de ses leitmotivs. Le texte a le rythme et la mélodie d’une composition musicale. Et combien de musiciens n’ont-ils pas souligné l’importance fondamentale du silence ?

Cette économie de moyens semble être particulièrement chère à Grace Paley, elle qui n’a jamais écrit de roman, mais seulement des nouvelles. Elle aurait déclaré:

« L’art est trop long, et la vie trop brève. Il y a plus de choses à faire dans une vie que seulement écrire« .

La brièveté de la vie, celle de sa mère en particulier, est précisément au coeur de cette nouvelle.

La musique n’est pas présente uniquement dans la prose de Grace Paley. Elle est aussi le point de départ de la nouvelle. C’est en effet une chanson, Oh, je voudrais tant voir ma mère dans l’embrasure de la porte (Oh I long to see my mother in the doorway), qui déclenche les souvenirs de la narratrice et en devient le motif.

J’ai cherché à savoir si cette chanson existait. J’en ai trouvé une qui contient ces paroles. Il s’agit de On the Banks of the Wabash, Far Away (Loin, sur les rives de la rivière Wabash). Ecrite par Paul Dresser, elle aurait été un hit au XIXème siècle. En 1913, l’Etat d’Indiana l’a adoptée comme hymne officiel. La voici, dans un enregistrement qu’on dirait tout droit sorti d’un vieux tourne-disque. Comme celui qui vient accompagner de sa musique les dernières lignes du texte, les derniers moments de la vie de Ma mère.

[Mes parents] possédaient un tourne-disque qui avait coûté très cher. Ils écoutaient du Bach. Elle lui dit parle-moi un peu. Nous ne nous parlons plus autant. (…)
Ecoute la musique. Je crois que jadis tu avais l’oreille absolue. Je suis fatigué, dit-il.
Puis elle mourut.

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