Oscar et la dame rose (Eric-Emmanuel Schmitt)
LITTERATURE
« Cher Dieu, aujourd’hui, j’ai eu de quarante à cinquante ans et je n’ai fait que des conneries. »
Eric-Emmanuel Schmitt, Oscar et la dame rose, Albin Michel 2002, p. 97-98.
Oscar a 11 ans. Atteint de leucémie, il séjourne à l’hôpital, où il vient de subir une greffe de moelle osseuse. L’opération n’a toutefois pas eu le succès escompté, et les médecins perdent espoir. Les jours d’Oscar sont comptés. C’est dans ces circonstances qu’il se lie d’amitié avec celle qu’il appelle Mamie-Rose, une des « dames en blouse rose qui viennent de l’extérieur passer du temps avec les enfants malades« .
Oscar souffre que personne ne semble vouloir parler avec lui de sa mort prochaine. Il s’en ouvre à Mamie-Rose. Celle-ci lui fait deux propositions. Premièrement, elle lui suggère d’écrire à Dieu, afin qu’il se se sente moins seul. D’abord réticent, Oscar finit par le faire. Ce sont ces 13 lettres qu’Oscar écrit à Dieu qui forment ce petit livre.
Deuxièmement, Mamie-Rose raconte à Oscar que dans son pays, « il y a une légende qui prétend que, durant les douze derniers jours de l’an, on peut deviner le temps qu’il fera dans les douze mois de l’année à venir. Il suffit d’observer chaque journée pour avoir, en miniature, le tableau du mois. (…) C’est une légende. La légende des douze jours divinatoires. » Elle s’en inspire pour proposer à Oscar le jeu suivant:
« A partir d’aujourd’hui, tu observeras chaque jour en te disant que ce jour compte pour dix ans« .
Ils commencent à jouer à ce jeu-là le 19 décembre; Oscar aura donc de 0 à 10 ans au cours de cette journée, de 10 à 20 ans le lendemain, de 20 à 30 ans le 21 décembre et ainsi de suite. (Dans une lettre finale, Mamie-Rose avoue qu’elle a inventé cette légende. Pourtant, elle existe bel et bien dans de nombreuses traditions populaires. En revanche, il est vrai que Mamie-Rose tord un peu la réalité quant aux dates: cette « petite année », comme on l’appelle en Alsace, commence seulement après Noël pour aller jusqu’à l’Epiphanie, le 6 janvier. Mais au diable la tradition, Oscar est gravement malade, et ne peut attendre.)
Oscar commence donc à vivre sa vie en accéléré. En douze jours, sans quitter l’hôpital, il traverse ainsi les tourments de l’enfance, les peines de coeur de l’adolescence, les « soucis et les responsabilités » de la trentaine, « les conneries » de la quarantaine, les questionnements de la septantaine, la fatigue et le déclin de la vieillesse. Il se marie, se brouille puis se réconcilie avec ses parents, contemple le mystère de la vie, découvre le bonheur d’exister.
Oscar mourra finalement le 30 décembre, à l’aube de ses 120 ans. Non sans avoir vécu une vie entière. Une vie qu’il raconte à Dieu, dans ses lettres quotidiennes. Un Dieu dont il devient de plus en plus proche.
Les trois derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Il y avait écrit: « Seul Dieu a le droit de me réveiller. »
Il y a des livres qui parviennent à dire tant avec si peu. Qui parviennent à approcher la complexité avec une simplicité enfantine. Qui savent et osent, comme les enfants, aller à l’essentiel.
Il y a des livre qu’on peut lire et relire, et toujours redécouvrir. Qui à chaque lecture nous révèlent une nouvelle part de leur infinie richesse.
Il y a des livre qui peuvent accompagner notre vie. Qui peuvent nous aider à vivre.
Oscar et la dame rose d’Eric-Emmanuel Schmitt est de ceux-là.